Antonio Gigante: peintre du Salento, de descendance napolitaine a voulu dans l'église "Jésus Ouvrier" de Paray- Vieille-Poste, (transformée en lieu de culte depuis 1925 dans le grenier de la ferme de Contin du XVe siècle), peindre sur une superficie de 1O mètres sur 8, et à 16 mètres du sol, des instants de la vie terrestre du Christ et des hommes de Son époque et de notre temps.
Le peintre a affronté et mis en évidence les drames sociaux et moraux qu'un tel engagement comportait. Ceci peut ressembler à un examen superficiel, un acte téméraire, affronter des réchampissages de ces dimensions, silhouettes de plus de 2 mètres de haut, mais sa longue expérience de scénographe a largement supplée aux déficiences des structures (et économiques) auxquelles Gigante a dû faire face.
Il en résulte une peinture parlante, je dirais intimement et profondément existentielle à travers laquelle le peintre veut communiquer et confronter le mythe avec la réalité objectivement vécue, non pas le stéréotype d'une didascalie illustrée, mais la tangibilité d'éléments imposants d'une façon marquante et incisive, le moment historique que nous vivons avec angoisse, drame et réalité de l 'existence humaine.
Cette concession panthéiste de la vie est mise en évidence, le rapport de fraternité et d'humanité qui fait de chaque être vivant notre semblable avec lequel partager le fardeau de la vie, le moment émotionnel de la joie et celui plus déchirant de la douleur.
La maternité racontée est ainsi expliquée dans une dynamique fortement expressive, dans un spasme douloureux: image avivée par l'immobilité de l'enfant blanc et par la préciosité d'un drapé, qui unit la solitude du riche aveugle physiquement mais complètement étranger et borné à la souffrance qui l'entoure, isolé dans son drame d'esclavage dans l'opportunisme; silhouette intimement vide de toutes valeurs qui ne soient pas monétaires. Ainsi, il a su exprimer d'une façon dramatique l'instant du lavement des pieds.
Le personnage assis anonyme, qui peut être chacun de nous, présente le pied au Christ qui, d'une manière hiératique accomplit le geste dans la plus grande stupeur des personnes présentes, lesquelles, dans leur fierté humaine, ne conçoivent jamais l'intime valeur de l'acte mortifiant du Christ "ce que vous feriez à un pauvre, ce serait comme Si vous me le faisiez à moi". C'est cela la puissance de Dieu. Du dépassement de la barrière de la haine, de la violence, de 1'égoisme, de la différence raciale, on réalise la sublimation morale de l'homme finalement libre et parce que spirituellement semblable à son Dieu.
Les autres silhouettes, les moments existentiels: la pauvreté nue du noir contraste avec l'opulence baroque des évêques et se joint ainsi à la pauvreté étroite du prêtre. Les soies, les coussins du riche, s'adaptent bien à la richesse des drapés, à la rationalité des volumes architecturaux qui, si 1 'on ressent les leçons d'Alberti et du Palladio, démontrent comment Gigante a su assimiler ses études à l'Académie florentine.
Dans le groupe central des apôtres: admirable exemple de construction et de masses chromatiques (être au même niveau qu 'un Pellizza da Volpedo), on exprime complètement la variété physionomique et familière, la luxueuse disposition de la composition la sobriété chromatique, les rapports volumétriques qui distinguent et amalgament les personnages particuliers qui jusent, comme c 'est déjà écrit, dans une rationalité albertinienne où se détachent "les faux marbres", ancien amour du peintre de Lecce. Le résultat de cette fatigue qui n 'est pas seulement celle d'un peintre mais surtout celle d'un homme qui veut être tel quel parmi ses semblables et partager peu et aussi beaucoup de moments émotionnels que la vie nous réserve.